... eh oui !
les habitués de ce forum n'auront pas manqué de cliquer par curiosité. Se sont-ils jeté des pierres à la figure ? A-t-elle tenté de le perdre dans l'abîme ? A-t-il sournoisement tiré sur la corde au moment même où elle s'engageait dans le pas le plus retors ?
Même pas !
Bon, comme nous avons été très forts sur cette arête de Pène Nègre, dominant les magnifiques paysages sauvages de la Mongie, je ne peux m'empêcher de partager avec vous les grands moments d'alpinisme que nous avons vécu.
C'est alors qu'il bruine légèrement que nous partons ce samedi matin vers 8 heures en direction de la hourquette Médette, les sacs chargés de tout un attirail métallique. Nous pourrions être découragés par le temps maussade, mais non, nous sommes motivés à fond, près à défier les nuages.
Arrivés au col, ça caille sévèrement, si bien que j'attaque avec la doudoune, le bonnet et les gants. Finalement, après quelques hésitations de ma part, c'est par une longueur horizontale de 100 mètres dans les buissons que l'on commence notre ascension... rapidement interrompue par une séance de strip-tease, le soleil s'étant décidé à pointer le bout de son nez. Puis nous arrivons au pied du premier ressaut, décrit dans le topo comme une cheminée dont le pied est gazonné. Je la qualifierais personnellement de totalement herbeuse, mais bon, c'est un avis subjectif. Passage à oublier au plus vite pour mon égo, jamais très satisfait d'avoir piétiner dans du III... Puis après quelques autres passages dont je ne me souviens même plus, et tandis qu'un nuage se charge de nous gâcher la vue, nous passons sous un tunnel et nous nous retrouvons au pied d'une cheminée qualifiée de raide. Raide est le mot juste... C'est là que je décide d'échanger ma paire de grosses contre des chaussons. Ca fait toujours du bien au moral, ce petit rituel. Puis, sous le regard ébahi de mon compagnon, j'exécute alors une parfaite démonstration d'escalade, toute en souplesse et en finesse... à base de coincement de tout ce qui peut coincer (genoux, jambes, pieds...) et de tirage sur tout ce sur quoi on peut tirer. Réveil des bras en bonne et due forme. Quand vient son tour, mon compagnon randonne littéralement le passage, pfff...
Et c'est là que nous arrivons au pied de la longueur clé. Evidemment, nous ne sommes pas le moins du monde impressionnés par la raideur du mur dressé devant nous, ça serait mal nous connaître ! Je dégaine le topo. C'est là que mon compagnon découvre qu'il ne l'avait pas vraiment lu, enfin pas en détails, et qu'il va falloir passer du IV+/V. Ah ! Ah ! Pleine d'entrain, j'attaque le mur comme indiqué. Deux solutions s'offrent à moi :
a) par la droite, pour se rétablir sur une lame décollée
b) tout droit dans un dièdre pour passer entre la lame et le rocher et se rétablir comme on peut.
J'opte pour la première. Pendant trois mètres. Puis à la vue de la lisseur du truc, je décide finalement de rendre un vibrant hommage à tous ces alpinistes de renom qui n'auraient pas rechigné devant une bonne renfougne. Et quel hommage ! C'est avec une rare élégance que je me coince dans la faille, avec une pensée émue pour ma veste gore-tex presque neuve, pas encore élimée le moins du monde... La bataille est âpre, si bien que j'en perds un mousqueton de dégaine, pauvre victime innocente des raclements et frottements répétés que j'inflige à mon auguste fessier. Après cette offrande faite à la montagne, je me rétablis victorieusement sur l'écaille, et je laisse éclater ma joie, non pas d'avoir surmonter l'obstacle, encore moins à la vue de ce qui suit, mais de pouvoir clipper un piton rutilant, visiblement âgé de moins de dix ans.
C'est alors que se présente LE passage de la longueur, ce qui a précédé n'étant que de la gnigniotte... Le topo annonce clairement un grand pas, un enjambement avant de pouvoir rejoindre l'arête sur des prises hautes et fines... Je tergiverse quelques instants. Ce n'est qu'après avoir mis un magnifique friend dans une fissure au-dessus de ma tête que la réglette qui me servait de prise de pied devient une margelle et que les prises de main fuyantes se transforment en poignées. C'est fou l'effet que ça fait ces petites choses... Une fois au relais, je m'installe, m'attendant à ce que mon second râle, grogne, geigne, jure, hurle... mais non, le bougre grimpe plus vite que je n'avale la corde et je le vois arriver tout pimpant, franchement déçue de ne pas avoir assisté à un combat plus rugueux !
Après ce moment héroïque, nous décidons de nous échapper par un rappel de l'arête, toujours embrumée et presque invisible, afin de rejoindre la Mongie, son cadre paisible, son architecture préservée ...et ses crêpes au nutella...
Ah mince, c'est un forum photo et j'ai pas de photos si ce n'est une vue magnifique prise dans le brouillard...
Regard en arrière sur l'arête (une portion de désescalade entre roche et herbe...)
Ambiance...
Voilà , une très belle journée sur une arête pas mythique mais sympathique, avec un Jack en grande forme grimpesque (je le soupçonne de s'être entraîné en cachette tout l'hiver...). Bravo à lui, c'était pas franchement facile !