Je commence donc avec mes deux tentatives pour gravir le Pic du Midi de Génos ; farouche sommet emblématique de la vallée du Louron, que l'on regarde tous en allant au Pont de Prat.
Très peu documenté, l'itinéraire le plus "connu" est sans doute la voie Ravier en face E. On trouve dans le guide Ollivier quelques mots sur l'arête N "spectaculaire et engagée", et enfin deux lignes sur de possibles voies abordables : la crête S jusqu'au pic de la Hourque (côtée PD+, sans infos), ainsi que le couloir W (pas de cotation, apparemment à vaches).
J'ai continué à chercher dans les anciennes revues du siècle dernier, je n'ai rien trouvé de bien intéressant quant à un récit d'ascension. Le sommet est semble-t-il passé à travers l'histoire du Pyrénéisme jusqu'à l'été 69.
Acte I - 28 juillet
Du coup, je suis allé voir, sans grand espoir. Départ de Pont de Prat au petit matin, et bien vite la vallée de la Pez qui se dévoile, et avec elle, le profond couloir W du Génos que l'on voit bien depuis la cabane Jean Forgues. (Le bas, en tout cas)
Le Guide Ollivier décrit ce couloir comme "commode, sans difficulté, utilisé par les premiers ascensionnistes de la Face E comme voie de descente" (autrement dit les Ravier sont passés par là et ont trouvé ça à vache, rassurant... ou pas !)
D'en bas, le couloir ne fait pas du tout envie. L'étranglement a l'air particulièrement raide. Aussi, je me rassure en me disant que l'arête depuis la Hourque est plus simple, et bien vite je me décide à ne pas tenter par là.
Direction donc le col de la Hourque, sans difficulté particulière (j'ai trop tiré à droite dans les pentes herbeuses vers 1950m, pénible).
Au col, quelques minutes faciles conduisent au sommet du Pic de la Hourque : belle vue sur le Luchonnais, mais c'est bien vers le N que mon regard se porte. On voit bien au loin le sommet convoité, 300m plus bas que la Hourque, c'est 300m de crête inconnue à descendre, et autant a remonter ensuite... Sans compter les montées descentes probables...

J'entame le début de la traversée. Le début de l'arête est large et facile puis devient vite un peu plus exposée, mais les petites difficultés sont évitables éventuellement par le versant Soula. Après une vingtaine de minute, l'arête plonge brusquement et se transforme en une face herbeuse. Quelques mètres faciles mais exposés sur rochers m'amènent sur de (très) raides banquettes herbeuses, que j'utilise pour descendre la "face" en Z sur une centaine de mètres. (Pour les connaisseurs, ça ressemble beaucoup au versant E du Gabiet).


J'ai malheureusement tiré trop à droite, et j'ai toutes les peines du mondre à revenir sur la crête ; végétation envahissante, et toujours ces pentes extremement raides où le moindre faux pas ferait plonger dans le laquet de la Soula... Une fois de retour, je traverse une ou deux pointes (expo) puis arrive dans une brèche d'où une descente vers l'W semble possible (accès aisé au vallon au NO de la Hourque.. ? Pas été voir si ça passait bien en bas).

La suite, une succesion de gendarmes et pointes herbo-rocheuses où le lichen fait loi, dans du terrain péteux de moyenne montagne... Les quelques pas sont faciles mais quasiment toujours exposés. Le fil de l'arête devenant plus efilé, je perds malheureusement beaucoup de temps et d'énergie à faire l'isard principalement sur le versant Soula :



(La photo ne rend pas hommage a la crête, bien plus découpée qu'on ne le devine ici)
Le Pic est si proche et si loin à la fois... et derrière moi, la remontée au Hourque est déjà démoralisante, d'autant que mes reserves d'eau se vident. La mort dans l'âme, je décide de faire demi tour un peu avant la pointe 2448 et laisse le Génos dans sa solitude habituelle... C'est parti pour remonter les 300m que je viens péniblement de descendre. Une fois la raide pente herbeuse franchie, je souffle un peu et termine lentement. Au sommet, plus qu'à me laisser glisser jusqu'au parking... Vaincu, mais pas abattu.
Mon avis : un randonneur plus entrainé que moi ce jour là et surtout plus à l'aise que moi sur le fil pour s'économiser, bon dans la recherche de l'itinéraire de moindre resistance et ayant un faible pour du terrain à isards de moyenne montagne devrait pouvoir arriver au Génos par là. En tout cas, j'aimerais beaucoup qu'un fort du forum s'y intéresse.
Acte II - 10 septembre
10h, je sors du boulot, il fait grand beau toute la journée, je me sens en forme : direction Loudenvielle pour une course expresse dans les entrailles du Génos.
12h départ du parking au pas de course, 25 mins plus tard je suis à la cabane et j'évite de poser le regard sur le couloir pour ne pas me laisser trop intimider de loin. Quelques minutes plus tard et je suis déjà entrain de remonter le raide pierrier instable (mais moins pénible qu'il n'y parait vu d'en bas). La caillasse laisse rapidement place a l'herbe, rhodo et gispet.
Le début du couloir, raide et lugubre, se laisse difficlement deviner d'en bas. Il est encore à l'ombre, et avec la belle rosée du matin, c'est encore bien trempé. J'hésite, puis me lance.
A sa base, une très légère sente plus ou moins visible passe au ras entre la paroi et le ravin. La pente continue de se redresser (>45°) et le couloir se divise en deux branches ; je prends celle de gauche, plus raide mais au soleil et donc sèche. Après une centaine de mètres, demi-tour : trop raide. Retour dans l'ombre en rive gauche, où le cheminement est pour quelques instants évident, et après quelques pas où je me hisse sur des touffes d'herbes et rochers mouillés, je suis au fond de la profonde entaille qui coupe le versant W du Génos. La pente se couche un temps et la sente réapparait.

Le Guide Ollivier indique seulement "Descendre en longeant le profond couloir sur sa droite, puis le rejoindre un peu avant sa base". Bon. Reste plus qu'à trouver comment rejoindre la rive droite et remonter les pentes finales jusqu'au sommet. Et bien... je continue de chercher 1 semaine plus tard.
Les deux seuls endroits possibles ne m'ont pas inspiré de près comme de loin ; l'un fini par une étroite cheminée herbeuse dégoulinante très redressée :

Et l'autre un peu plus loin, remonte sur le bas des dalles mousseuses. (Pas pris de photo). J'ai continué au fond de la "gorge" où coule un véritable torrent, mais n'ai rien trouvé de convaincant, en tout cas pour moi. Avec le recul et en regardant les photos, j'aurais pu encore continuer sur 100m en me mouillant plus ou moins les pieds pour peut être trouver quelque chose... mais sur le coup et de loin, ça sentait un peu le traquenard, la gorge se faisant de plus en plus encaissée et le débit d'eau de plus en plus important.

une cinquantaine de mètres avant le demi tour
Encore une fois, retour bredouille. Une pensée pour les grimpeurs qui descendent par là après l'ascension du Génos par la voie Ravier, pensant trouver là une "voie commode, sans difficulté". (peut être que le passage clé est plus facile à trouver d'en haut ?). Là aussi, je suis dans l'attente qu'un fort aille voir...
En tout cas, sur mes deux essais, je n'ai vu aucun cairn ou aucune trace de passage (à part la sente, sans doute animale). L'impression d'être le premier à passer ici. Et rien que ça, ça vaut bien un Pic du Midi de Génos.
![Dan.San :]](./images/smilies/8.gif)
Voilà pour ma petite pierre à l'édifice concernant le Génos. Je n'ai malgré tout pas abandonné et y retournerai un de ces 4, pour un troisième et dernier acte, le couloir W méritant une deuxième visite plus sérieuse.
Aussi, si quelqu'un du coin connait quelqu'un qui connait quelqu'un qui y est monté, je serais bien intéressé pour échanger un peu... Et si quelqu'un a la main sur une ascension du sommet ou récit antérieure à 1969, là aussi, j'aimerais beaucoup en savoir plus. J'imagine qu'il doit être fréquenter par les chasseurs depuis des siècles...
Merci !
