Trois candidats étaient inscrits : Pierre09000 et Yohann, qui s'entraînaient de longue date pour les épreuves, et moi-même qui me suis inscrit Samedi matin à 8h20, avec un dossier à moitié rempli et des ratures partout sur la lettre de motivation. La liste du matériel nécessaire est claire, succinte, suffisante : "vous prenez crampons piolets raquettes skis tente doudoune maillot de bain et tongs, on avisera sur place, mais faut prévoir pour de la rando hivernale en tout cas". Le ton est donné.
Sa Majesté Suprême du chorizo pimenté nous attendait à 17h30 dans le chalet des milles vaches, son lieu de retraite spirituelle.
Afin de rendre le voyage plus léger, d'en enlever un peu la pression (la pression c'est mieux dans un verre, comme nous martèlerons tel un mantra chez Pierre en faisant une pause), nous nous rendons en covoiturage depuis nos lieux de vie respectifs jusqu'au chalet des milles vaches. L'ambiance est guillerette dans la voiture, les visages souriants. Des visages plein de jeunesse et d'insouciance, de ceux qui n'ont pas encore connus le WE d'intronisation. Pierre doit fournir un des éléments des tests prévus pendant le WE, qu'il appelle sobrement "la couserannaise". Ca a l'air bénin comme ca, mais un des buts de ce WE est d'apprendre à ne pas se fier aux apparences. (Au passage, un aspirant qui fournit le matériel, ca pourrait laisser un soupcon, mais le maitre est d'une entière probité.)
Le WE d'intronisation commence par la première épreuve, dite de "la bêêêête de Saillagouse" (à dire avec une voix grave). A peine la porte de la voiture ouverte, un molosse tacheté vous saute dessus, sur les ordres du Maître, vociférant "Bouffe-les Rex, bouffe-les !", la bave aux lèvres, la machoire hargneuse, le regard méchant (le maître, pas la bête). Nous réalisons qu'il s'agit de montrer que l'on sait apprivoiser une bête sauvage d'un simple regard. Cette capacité est particulièrement utile lorsqu'on croise un ariégeois sur les chemins, car en général, dans ce cas il pleut trop pour pouvoir courir sans risque de chute (d'aucun pourrait dire que Pierre, habitué depuis tout petit, est avantagé, mais bon).
Une fois chacun installé sommairement, le test de solidité de l'estomac commence. Apéro, tomates cerises, Rapéro, risotto aux cèpes et sauté de veau aux coings et au rancio, accompagné d'un petit rouge pas dégueulasdjdsse, fromgkejhes arrosés du même rouge parce qu'il faut pas gacheer, un petit dessertqsdfdf sur un bl...un bl...un blanc do§.§.hipsdoux, et quelques petits digestiIIIFS : couserannaise, une prune locale, et une liqueur de chataîgne. Je pense que c'est la tomate cerise que j'ai pas supporté : malade toute la nuit, les épreuves commencent mal. Mais rassurez-vous, par soucis d'égalité j'ai bien pris garde de réveiller tout le monde à 2h42 du matin. Un détail qui pourrait surprendre vu son grand âge, mais le Maître du petit pâté à l'ancienne ne ronfle pas. Il se mouche 4 fois par minute à cause du rhume des foins certes, mais il ne ronfle pas.
Vient le lendemain, et enfin des photos (aaaaaaaaaaahhh enfin, vous entends-je dire, parce que bon, c'est le forum des photos quand même !).
La Sierra del Cadi au petit jour, seule montagne du coin avec le Carlit. Vous me direz, c'est quand même dommage d'habiter à la montagne et d'en être aussi loin !

Au programme de cette journée dédiée à la randonnée hivernale, une épreuve technique, de la marche sur neige dure et gelée, qui demandera de ne faire aucune erreur sous peine de finir en bas d'un couloir, chaussures rigides obligatoires :

Enfin, pour ceux qui veulent, il y a quand même moyen de réduire le danger :

Au programme de la journée qu'on nous avait promise dédiée à la randonnée hivernale, les peynies Altes et le Moxeiro, seul endroit du coin où il n'y a pas de neige. Yohann, ses pieds, ses orteils et ses genoux furent fort déconfits d'apprendre cela, lui qui n'avait que ses grosses chaussures rigides. Je fus eu la veille au soir, ici c'est Yohann qui choit. Pierre avait prévu des baskets confortables, lui. Qu'il est bien organisé ce Pierre....
Le chemin est bien tranquille, nous sommes seuls sur la piste, Pierre et Yohann bavardent derrière moi.

Devant une grande vue se révélant soudain, le maître du salami nous fait répeter un mantra spirituel, pour montrer notre accord aux préceptes de l'ordre : "en Cerdagne c'est la félicité, ailleurs c'est l'humidité".



Le maître du saucisson au sanglier discute avec Pierre sur les vicissitudes de la vie. Leur complicité fait plaisir à voir. Leur grande complicité, même...

La grande épreuve de cette journée est la montée au peynies altes, à gauche sur la photo.

Tandis que le maître ès jambon à l'os nous raconte les difficultés de la montée ("il faudra mettre les mains") pendant que Yohann souffre en silence, des visions de troupeaux de bisons franchissant des falaises me traversent l'esprit, et même après mûre réflexion je n'ai pu trouvé pourquoi. Mon pouls (et non mon poux) s'accélère, car je connais mes difficultés en terrain difficile. La faune locale me distrait un instant l'esprit de ces tracas :

Pendant la montée, la star du coin, la pedra forca, se révèle, à côté de sa soeur la sierra des caddies (j'ai bien écouté les leçons du maître sur le nom des sommets locaux) :

La montée manutentionnée se passe relativement bien, mais je sue à grosse goutte en pensant à ce qui m'attend sur la descente. Histoire de me détourner de ces sombres pensées, je contemple le côté Espagnol :

Le mont Jean Ferrat au fond, "juste au dessus de Barcelone" précise le maître (j'en déduis, fier de moi, que Barcelone est donc une ville souterraine, ce que je ne savais pas. Ce que je vais pouvoir frimer demain au boulot !)

Yohann, valeureux, retenant ses larmes de douleur, s'en tire très bien à la montée, tandis qu'on dirait que Pierre connait le passage par coeur. Malheureusement, la voie vers les peynies est barré par un passage de 10m qui aurait nécessiter les crampons, demi-tour tout le monde.
On passera sur mes 20 minutes de descente du petit passage, qui a donné lieu à 150 photos et beaucoup de rire de mes compères et du maître. Je leur fais confiance pour revenir dessus. Moi je m'en fiche, je profite du paysage.


Nous montons au Moxeiro pour y déguster notre repas. Le maître ès salades-de-tomates-du-roussillon-et-truites-de-las-cacahuetas est chez lui ici, ca se voit (comme pour les pubs, vous vous doutez bien que je n'ai gardé que la meilleure photo parmi les différentes tentatives...) :

Le programme de l'après-midi est on-ne-peut-plus simple : un petit chemin boueux pour rendre les chaussures glissantes à flanc jusqu'au col de pendis (à gauche en rouge), puis long retour par la piste à la voiture. Yohann a grimacé quand on lui a annoncé ca. (Nous on avait grimacé quand il avait enlevé ses chaussures, satané vent qui a tourné !)

Un peu avant l'arrivée à la voiture, le Maître, nous jugeant dignes de lui (surtout Pierre, d'ailleurs), a daigné nous montrer ce qu'il entendait par vrai terrain de montagne, là où il montre ses meilleures aptitudes :

Dès son intronisation validée, Yohann mit fin à son supplice, pour finir joyeusement en chaussettes :

L'intronisation fut fêtée bien dignement de retour au chalet des milles vaches, la bête de Saillagouse ronflant généreusement à notre arrivée !
Je ne mettrai même pas à quel point ce WE fut super, je pense que vous vous en êtes doutés !
Quelques autres photos ici : https://flic.kr/s/aHskyKmEU5