Ca y est!
Je vais enfin parcourir le dernier tronçon de cette traversée des Pyrénées que j'ai entamée voilà maintenant 3 ans.
Porté-Puymorens jusqu'à Banyuls. sans contrainte de temps.
Travaux sur la voie SNCF, je prends donc le car pour rejoindre la montagne.
Derrière moi, durant les 3h de voyage, un homme a dû passer, sans exagérer, 2h40 au téléphone, à parler sans retenue et fort. Vite vite, que le car arrive pour démarrer cette première journée.
Le chauffeur me dépose à la gare de Porté-Puymorens et après une brève discussion, m'informe que sa soeur travaille à la gare de Cerbère. C'est à peu près ma direction, je ne manquerai pas de la saluer si je la croise.
Il est midi et c'est parti, on fait sauter le sac sur le dos, et en avant! Mais, vers où ?
Bien oui, j'avais pas vraiment calculé l'itinéraire du départ. En faisant mes 10 premiers pas vers la route, mon premier ange des Pyrénées (une femme d'une soixantaine d'année) débarque en m'indiquant un chemin qui relie le village en passant par un passage secret de la voie ferrée.
Allez maintenant, on y est !
Téléscopage des bâtons tordus par les années, vissage du chapeau, remontage de manches, ajustement des bretelles et montée jusqu'au village.
Traversée du village puis récupération du sentier au dessus du lac d'el Passet.
Regardant les enfants et adultes traverser le lac à l'aide de tyroliennes géantes, je me remémore mes envies d'enfance, quand, tout en haut des pics, je rêvais avec mes copains d'une tyrolienne qui nous ramènerait jusqu'à la voiture. A vrai dire ce n'était pas à l'époque où mon corps et le sac compris tournaient autour des 40 kilos qu'une tyrolienne fusse nécessaire.
Quelques années plus tard, quand le panier garni atteint les 90 kilos, ce serait une bonne opportunité qui ravirait mes genoux et mes orteils.
Je continue, sur ce chemin que je connais bien, arrive à l'étang du Lanoux et bifurque pour remonter progressivement au pied du Carlit.

Ce Carlit... 3 fois.
3 fois que je me retrouve à ses pieds, et 3 fois que je dois faire demi-tour.
La première, souci d'horaire (parti à la journée, pas prévu dans l'itinéraire)
La deuxième, souci de co-équipier (pas vraiment dans ses cordes)
La troisième, souci de météo (les premières neiges venaient de tomber, pas d'équipement)
Et là, sous un ciel azur et un soleil bienveillant, je fais face à la pente caillouteuse d'aspect redoutable qui me nargue depuis 4 ou 5 ans.

J'y saute à pieds-joints dedans, c'est un calvaire, mais c'est tellement bon de prendre du dénivelé aussi vite. Quasiment sans pause, j'atteins le sommet, et wahou, quelle vue ! Tous les jours suivants sont quasiment là, sous mes yeux.

ainsi que la vue de derrière.

Je salue le Canigo de loin, sans savoir quand exactement je pourrais venir le chatouiller.
N'étant pas tout seul sur cet éperon rocheux, les têtes trop nombreuses ne favorisant pas la contemplation, je file.
La descente, je l'ai trouvée beaucoup plus chaotique que la montée. Moins intuitive, plus irrégulière, mais ça se fait, tranquillement, et sans trop de monde, c'est parfait.
Petit arrêt pour faire de l'eau au magnifique lac quasi gelé sous le pic. Sublime ! (Si on excepte les 3 gonzesses en chaussures de ville et petite tenue en train de se selfiser chacune leur tour devant cette perle lacustre en adoptant des poses très lascives).

Arrivé aux étangs du Carlit, que dire ?
C'est (ça pourrait être) mon paradis. La nature, sans le vouloir, a créé l'endroit parfait, où se mêlent végétaux, minéraux, plans d'eau qui inspirent le calme, la sensualité, l'apaisement, le bonheur.

Et ce havre de paix paye sa magnificence par sa haute fréquentation. Si seulement ces groupes ne criaient pas à tout bout de champ, se feraient plus petits, en essayant de s'intégrer dans cette nature...
Alors ça pourrait devenir « acceptable ».
Je file donc, en sinuant entre les lacs, sur des chemins devenus pistes, passe le barrage des Bouillouses et fais un petit coucou aux Pérics que je viendrai découvrir un jour.

Je veux m'éloigner au plus vite de cet endroit qui ne m'inspire pas un lieu de bivouac reposant.
Quelques minutes plus tard, arrivée à l'étang de Pradeilles. Il commence à se faire un peu tard, aux alentours de 18h45.
Je pose mon sac à dos dans un endroit un peu isolé, caché derrière un rocher, fais un petit plouf pour me rafraichir et me rincer, prépare mon repas, et profite de ce moment qui est pour moi le meilleur de la journée. Ne rien faire, repenser à la journée, savourer la chance que j'ai d'être là, au bon endroit, au bon moment, que je ne pourrai nullement me sentir mieux ailleurs qu'ici. Communion entre la nature, le corps, les pensées...

Faufilage sous la tente et dodo, à demain pour la suite.