
Il me reste quelques jours de congés à prendre avant fin Juin, la météo annonce du beau temps, je n'ai rien d'autre de prévu, c'est donc l'occasion pour y aller.
JOUR 1
Départ du parking du Montcalm (1120 m) à 11h. Je remonte la piste forestière avec un rythme de sénateur, mon sac fait quand même 19kg. Même si ça contient le couchage, la bouffe pour 3 jours pour moi et le chien, total respect pour les MUL qui font la traversée des Pyrénées avec juste 6kg sur le dos !
Je remonte le Subra, qui me rappelle de lointains souvenirs de descente de canyon.
Le vallon est très joli, et j'arrive à Pla Subra (1950 m) vers 16h, tranquillou. Une fois la tente montée, j'en profite pour prendre un bain de soleil. Comme à la plage, mais avec toute la plage pour moi tout seul

La nuit est belle, étoilée, juste du brouillard vers les 4h du matin.
JOUR 2
Lever à 6h, je sais que la journée sera longue.
Je m'inquiète surtout pour l'itinéraire qui a l'air pas évident d'après la carte et les conseils sur internet, et pour la dénivelée...
Mais en fait, le départ se fait très bien, le chemin est peu marqué, mais bien visible quand même, avec quelques cairns qui rassurent.
Mais bien vite les premières difficultés arrivent... Les traversées de névés s'enchainent. C'est vrai qu'on est fin mai, mais c'est un point que j'avais un peu zappé. La montée aux tables du Montcalm, celle en pointillés sur la carte, se fait par alternance de névés et de parties bien raides. Le paysage se dévoile au fur et à mesure de la montée, et la vue porte de plus en plus loin.
L'arrivée aux tables du Montcalm est complètement enneigée, mais ça se fait bien quand même. Le lac est gelé, invisible. Je remonte rive gauche au-delà du lac, pour faire la pause du midi, toujours avec un super soleil. D'ici je regarde le couloir avec une grande perplexité. Il est complètement enneigé, et me parait bien trop raide pour envisager sereinement de s'y engager. J'envisage très sérieusement de faire demi tour, dommage ce ne sera pas pour cette fois-ci

Mais en redescendant, arrivé au niveau du couloir, la perspective est différente, et le passage me parait finalement jouable. Je décide de pousser jusqu'au pied du couloir et d'aviser. Et en fait, c'est raide, mais ca passe... Je prend quand même sur la droite dans la partie rocheuse pour éviter d'être trop dans la pente enneigée, et après quelques passages où il faut poser les mains (et parfois aider Gaïa à escalader), j'arrive enfin en haut du couloir. Il me semble que le plus dur est fait.
En fait, pas vraiment... L'orientation devient délicate. La neige recouvre tout, le chemin, les cairns. Il y a bien une trace dans la neige qui va droit dans la pente, mais j'ai un gros doute. Et ici, une erreur peut avoir de graves conséquences, si on s'engage dans le mauvais couloir. J'ai pour habitude de garder le GPS dans mon sac, il est là juste pour enregistrer ma trace. Mais là, au diable les principes, j'assure ma sécurité, et je poursuis l'ascension en m'aidant fortement du GPS. Et effectivement, la trace aperçue n'est pas sur l'itinéraire.
Qu'est-ce que c'est raide ! Encore des passages où il faut mettre les mains, toujours à se remettre en question car pas de cairn ni de chemin. Et exposé, pas question de trébucher, le vide ne pardonnerait pas. J'avoue avoir douté... Mais le demi-tour à cet endroit paraît encore plus délicat ! Je comprends bien pourquoi il est conseillé de faire la boucle plutôt dans ce sens.
Dans l'autre sens, les passages clés doivent être difficilement identifiables, et les pas de désescalade plus compliqués aussi.
Bref, j'arrive enfin en sortie de cette partie bien verticale, et me retrouve au pied du dôme qui donne accès au sommet. Etrangement il n'y a quasiment plus de neige ici. L'univers est complètement minéral, austère. La montée jusqu'au sommet, bien que apaisée par rapport à l'ascension, reste lente, car la montée m'a complètement séché.
Il est 15h, j'arrive enfin au sommet, yahou, mon premier 3000 dans les Pyrénées

La vue est bouchée sur les sommets alentours, mais ce n'est pas grave. Je vais planter la tente, et demain matin il fera grand beau !
Je trouve un endroit où il reste un peu de neige, à côté des abris, pour mettre la tente sur la neige plutôt que directement sur le sol. Ca évite de risquer de l'abimer sur ces cailloux acérés.
Mais à peine la tente montée, le temps se gâte.... pluie, grêle, neige... Je suis arrivé juste à temps !
Le tonnerre gronde, ce qui rend Gaïa très inquiète.
Je m'installe dans la tente, et commence à me reposer de cette longue journée. Mais dehors, c'est de pire en pire. Ce n'est plus du vent, c'est une tempête. La tente est secouée dans tous les sens par une main géante invisible. Le Montcalm a accepté que j'arrive à son sommet, mais n'a pas l'air décidé à me voir y rester pour la nuit !
Les sardines, bien que plantées dans la neige, résistent étonnamment bien. J'ai souvent eu ma tente qui se plie sous les assauts du vent, sans autre conséquence que l'inquiétude de savoir si elle va bien tenir. Mais cette fois... la donne change quand j'entends un gros "CRAC", et que la tente s'écroule sur moi... Un arceau vient de casser, et bien sûr il transperce la toile extérieure. La tente n'étant plus maintenue, mais toujours autant secouée, les sardines sont beaucoup trop sollicitées et s'arrachent une à une...
Tout en tenant d'une main la toile extérieure pour éviter qu'elle risque de s'envoler, je reste là quelques instants à réfléchir à la meilleure solution. Le temps n'a pas l'air de se calmer, je ne suis plus protégé de la pluie, ma tente est écroulée... Je ne pense pas pouvoir passer la nuit dans ces conditions. Je prend donc la décision de plier bagage, je fais au mieux pour tout ranger dans le sac, aussi bien que je peux avec la tempête qui fait toujours rage.
Il est 20h quand je quitte le sommet, direction le refuge Pinet, sous la neige qui continue de tomber. La luminosité est encore bonne à cette heure là. Les sommets environnants sont maintenant dégagés, et je peux voir que le paysage est vraiment magnifique.
La descente est longue, toujours avec de nombreux névés, mais beaucoup moins engagée que la montée, heureusement ! Je me trompe quelque fois, surtout au-dessus de l'étang du Montcalm, mais après un rapide demi-tour tout rentre dans l'ordre.
La nuit est tombée, je sors la frontale. Le refuge n'est plus très loin.
Arrivée en vue du refuge, alors que je pense que la galère est terminée, les quelques gouttes qui tombaient se transforment en pluie soutenue. Il m'aurait suffit de 10mn de répit pour arriver avant ce déluge

Il est 22h, Le gardien et la gardienne m'attendent sur la terrasse. Ils ont vu la lumière de ma frontale pendant la descente, et veulent s'assurer que tout va bien. Je demande un endroit pour dormir à l'abri de la pluie à l'extérieur du refuge. Eh oui, comme je n'avais pas prévu de dormir là, je n'ai pas d'argent pour la nuit. Et les chiens ne sont en général pas acceptés dans les refuges.
Heureusement, ils me permettent de passer la nuit au sec dans la partie hiver, et Gaïa peut rester dans le sas d'entrée. Comparé à ce qui m'attendait au sommet, c'est royal !


Je peux me poser, enlever mes habits trempés, manger, et me coucher. Quelle journée ! 7H-22H, 1100 D+ et 800 D-, je n'ai jamais fait ça (et je n'aurais jamais pensé le faire !)
JOUR 3
Malgré la journée d'hier, et sans réveil, debout à 6h50.
La redescente vers l'Artigue se fait sans évènement notable. Je regarde en face de moi la Raspe que j'ai descendu lors d'une précédente rando, et je me demande comment on peut faire pour trouver un passage dans ce versant là, qui parait extrêmement raide. Je vois couler l'Artigue en bas, que j'ai descendu de nombreuses fois en canyon. Il a l'air bien chargé en eau, c'est un peu normal vu la saison. Il n'est peut-être pas praticable, en tout cas c'est peut-être pour ça que l'hélicoptère est venu faire un secours vers le point de départ du canyon.
Enfin, je rejoins par le chemin quasi horizontal le vallon de Subra et finis la descente par le chemin forestier, que l'on peut couper parfois.
J'arrive à la voiture, bien rincé.
Mais il ne me faudra pas longtemps pour me dire qu'il faudra que je refasse cette rando pour enfin profiter d'une nuit au sommet et d'un réveil au soleil devant le paysage magnifique que j'ai pu partiellement apercevoir

Merci de m'avoir lu
