Bonjour tout le monde
Ci-dessous, le début d'un petit texte écrit sur la manière de se nourrir en haute montagne, disponible intégralement à l'adresse
http://www.marclemo.com/alpinisme/conse ... riture.htm
J'ai été intéressé par l'idée de se nourrir avec ce qu'on trouve sur place, bien que je ne voie pas encore comment cela peut être possible lorsqu'on est assez haut ?
Marc
Ach... la nourriture en haute montagne ! Sujet délicat, important et peu consensuel s'il en est. J'avoue avoir beaucoup changé d'avis et de manière de faire au cours de toutes ces années.
Il y a eu, au début, la période "vivre de course, ration de survie". Soupes lyophilisée, en cas de Knorr et semoule pour le soir, barres de céréales survitaminées pour la journée, avec une réserve supplémentaire cachée quelque part au fond du sac, la "ration de survie, à prévoir dès qu'on dépasse 2500m", dixit les manuels.
C'était écrit dans les manuels, j'avais 16 ans, j'ai suivi la consigne sans discuter et sans me poser de questions. C'est sûr, après quelques années de recul, je trouve que c'était un peu ridicule. Sous prétexte de chasse au poids, on se retrouvait à manger des trucs composés de 90% d'eau et de 10% de sucre, qui coûtaient cher et laissaient le corps affamé et l'esprit frustré. Quant à l'existence d'une limite d'altitude au delà de laquelle la ration de survie est indispensable, je me demande qui a pu sortir ça... La survie ça peut vous tomber dessus au niveau de la mer (voire plus bas), inversement dans certaines parties du monde on couche à l'hôtel et on circule en car grand confort à 4000m. Bah!
Cette période s'est achevée au Pérou lors d'un voyage d'alpinisme. Mon copain Pascal et moi avions pris la chose très au sérieux en ce qui concernait l'alimentation. A l'époque il était possible d'avoir une aide logistique des entreprises pour réaliser ce qui pouvait encore passer pour une "expé", alors on avait emporté des caisses de de plats lyophilisés à 40 francs la ration... Il y en avait pour une fortune. Après quelques semaines, et plusieurs tentatives d'ascensions avortées de sommets à 6000m et plus (on était encore mal acclimatés, pas sûrs de nous) on croise un alpiniste local qui nous voit faire cuire nos ersatz de nourriture et fait des yeux grands comme ça. Il nous explique que lui, quand il part pour un sommet, il met dans son sac 10 bananes, 5 oranges et de quoi faire du thé, et que ça le fait comme il faut pour 2 ou 3 jours.
On se sentait un peu cons, avec nos stocks de spécialistes, mais on a suivi le conseil. A partir de ce moment les sommets tentés ont été réussis. Y a t'il eu un rapport de cause à effet ?
Lorsque j'ai commencé à prendre l'habitude de partir en itinérance sur plusieurs jours, une seconde période a commencé : la bouffe pas trop lourde, simple à faire, et qui tient au corps. C'était des boules compactes de céréales cuites mélangées avec quelques fruits secs... des sucres lents, un peu de sucres rapides... Alors là c'était vraiment n'importe quoi. Je me souviens d'une semaine dans le massif du Mont Blanc, avec un temps épouvantable. On passait de nombreuses heures sous la tente, avec un moral pas toujours très bon car l'inquiétude du retour était toujours présente... Dans ces moments le moral est très influençable, l'alimentation jour un rôle non négligeable. Je nous revois nous forcer à manger, repas après repas, des boulettes inappétissantes qui nous écoeurèrent bientôt. Pour sûr, on avait notre ration de sucres lents, mais à quel prix.
C'est sur la base de cette expérience que je suis arrivé au fonctionnement que j'ai aujourd'hui, et qui repose sur le principes suivants : il faut avoir à la fois la qualité et la quantité. C'est à cette condition que le corps restera en forme, et que le mental restera au beau fixe. Je pense sincèrement qu'au coeur de la tourmente, une excellente alimentation peut sauver des vies, ne serait-ce que par le moral qu'elle permet de garder. J'ai d'innombrables souvenirs d'après-midi de tourmente, passées sous la tente à attendre l'accalmie des heures durant, durant lesquelles les plantureux repas qui venaient entrecouper les longues périodes à lire ou somnoler au fond des duvets étaient des rayons de soleils festifs qui effacent en quelques minutes les inquiétudes concernant notre capacité de survie.